Jean-Pierre Bouchez : « La concentration collaborative d’acteurs au sein d’un même espace favorise l’innovation ».

Interview

Jean-Pierre Bouchez a deux vies : une première dans les RH (VP RH au sein de Thalès et Nielsen, puis comme consultant et conférencier aujourd’hui) ; une deuxième en tant que Chercheur (Université Paris-Saclay). Il est l’auteur de plusieurs livres dont Les nouvelles pratiques collaboratives et L’économie du savoir. Il revient sur les facteurs clefs de succès des entreprises innovantes.

Photographie de Jean-Pierre Bouchez

Jean-Pierre Bouchez

Vous allez bientôt sortir un nouveau livre, sur l’innovation collaborative. Quelles sont les conditions pour que ce type d’innovation fonctionne ?

Il existe plusieurs échelles qui s’emboitent et s’articulent en termes d’écosystèmes d’innovations collaboratives. Il y a d’abord, au niveau macro, les espaces géographiques tels les clusters ; au niveau méso, les écosystèmes innovants de grandes entreprises à travers les liens avec leurs parties prenantes et, au niveau micro, les espaces internes aux entreprises pratiquant le _NWOW _(New Ways Of Working) C’est en mêlant ces trois dimensions, coopérations et compétitions que l’on crée un terrain favorable à l’innovation collaborative.

En quoi est-il vital de rassembler à l’échelle d’une région, d’une ville, voire d’un quartier, des entreprises de la connaissance ?

Depuis les travaux fondateurs de l’économiste Alfred Marshall il y a plus d’un siècle, on a établi que la concentration d’acteurs, en particulier intensifs en connaissances, au sein d’aggloméra-tions, génère des interactions et de l’émulation. Cela contribue à la création de nouveaux savoirs et à développer l’innovation. Cet effet de milieu est emblématiquement illustré par le cluster de la Silicon Valley. Mais il existe de par le monde de nombreux autres exemples : la Silicon Alley à New York, la route 128 de Boston, le pôle d’excellence Euratechnologies (métropole de Lille), en France, dédié au numérique, etc.

Peut-on appliquer le même postulat (l’importance du lieu géographique) à l’échelle d’une entreprise et de ses bureaux ?

C’est tout l’enjeu des environnements de travail du NWOW : créer les conditions pour favoriser le travail collaboratif et transversal. Les entreprises éclairées créent ainsi à leur échelle des clusters miniatures avec de nouveaux espaces ouverts, collaboratifs et innovants. C’est par exemple le cas de la nouvelle technopole des Dunes de la Société Générale, avec ses différents quartiers. Elle incarne la transformation numérique du groupe au sein d’un espace digital fondé sur des modes de travail ouverts et collaboratifs.

Les entreprises éclairées créent ainsi à leur échelle des clusters miniatures avec de nouveaux espaces ouverts, collaboratifs et innovants.

Quelles ont été selon vous, les transformations induites par le digital sur les pratiques collaboratives ?

L’usage des supports numériques a incontestablement contribué à accroître l’autonomie et l’usage des pratiques collaboratives. Mais cette injonction à l’autonomie, et c’est bien là un véritable paradoxe, se heurte souvent au contrôle organisationnel et hiérarchique, peu propice à l’innovation. L’enjeu consiste alors à trouver et construire de nouveaux équilibres et de nouvelles régulations entre un contrôle raisonnable et une autonomie bienvenue.