Didier de Stabenrath : « Mon profil plus expérimenté est rassurant pour les équipes, c’est très important dans les périodes de tension »

Interview

Général (2S) de l’armée de Terre, Didier de Stabenrath, 62 ans, est aujourd’hui Head of People Operations de ManoMano, leader du ecommerce pour le bricolage en France. Arrivé dans une entreprise en forte croissance, il décrypte les habitudes de la jeune génération, et tout ce qu’un « senior » peut leur apporter.

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Didier de Stabenrath
Head of People Operations
ManoMano

Quels sont pour vous les principaux atouts que la jeune génération, mobile, connectée, peut apporter à une entreprise ?

Cette génération a un attrait marqué pour l’aspect ‘aventure’ que propose la vie professionnelle au sein d’une jeune société tech en hypercroissance. Ils sont très engagés, cherchent à donner du « sens à leur travail » et ont ce sentiment fort d’appartenance à une communauté. Mais je dénote de temps en temps un syndrome « d’enfant gâté » : ces jeunes actifs, qui pour la plupart découvrent le monde du travail, n’ont pas toujours conscience de la chance de travailler au sein d’une société qui prenne autant en compte l’aspect humain dans toutes les décisions business.

À l’inverse, qu’est-ce qu’un « senior » comme vous peut leur apporter ?

« Un peu de sagesse », tout d’abord. Par mon parcours d’ancien militaire, leur montrer qu’il faut savoir prendre un peu de recul sur les événements, et ne pas confondre vitesse et précipitation, notamment dans les périodes de tension ou de crise. Enfin, je suis asssez sollicité, car cette génération qui débute sa carrière est en fort demande d’écoute, de conseils. « Quarante ans c’est la vieillesse de la jeunesse, mais cinquante ans c’est la jeunesse de la vieillesse, alors je vous laisse imaginer soixante ans !!! (Victor Hudo revu et corrigé)

La génération Y a un rapport différent au travail : plus pragmatique et moins présentéiste.

Notre étude démystifie le mythe d’une génération Y « détachée » des enjeux de l’entreprise ou « en proie à des problèmes avec la hiérarchie ». Y a-t-il une « façon » spécifique de manager la jeune génération ?

Le management a évolué, et cela se traduit chez ManoMano par un aspect hiérarchique beaucoup moins prégnant. Nous laissons beaucoup d’autonomie aux collaborateurs pour réaliser leurs missions. Les objectifs et la vision de manomano sont ensuite déclinés par départements, équipes, avec des objectifs trimestriels. Des points réguliers sont fait avec les managers pour suivre l’avancée des dossiers en cours. Le plus important est que chacun trouve sa juste place au sein de Manomano.

La bienveillance est une valeur fondementale chez Manomano, mais elle peut être mal comprise et doit être associée à de l’exigence, à la capacité de féliciter mais aussi de faire des retours quand cela ne va pas.

La génération Y a un rapport différent au travail : elle est plus pragmatique, cherche du sens à son travail, veut se sentir utile… tout en veillant à préserver un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. C’est une génération moins présentéiste que la précédente, qui saura vous dire les choses directement. Cette jeune génération a également un fort besoin de reconnaissance, qui se traduit au quotidien par la célébration des bons résultats par exemple. On adapte avec eux un management plus participatif, moins directif. Les équipes sont transverses, et les projets co-construits. »

Comment ont-ils vécu le confinement ?

« Pour cette génération, le bureau est aussi un facteur primordial de lien social. Lorsque nous avons déménagé de l’Avenue de la Grande Armée vers de nouveaux bureaux dans le XVIIe, nous avons été très attentifs à la qualité des bureaux, à la décoration, à la vie autour du quartier (restaurants, cafés)…

Bien sûr, le confinement a brusquement rompu tout cela. Aujourd’hui, tous nos bureaux sont ouverts pour ceux qui le souhaitent, même si compte tenu de la situation, le télétravail reste recommandé. Le retour au bureau se fait petit à petit : certains, confinés dans de petits appartements parisiens, étaient plus enthousiastes que d’autres à revenir, d’autres avaient besoin de retrouver du lien social.

Importance des bureaux

« Même avec les outils dont dispose une start-up de la tech, c’est bien plus facile d’organiser des petites réunions sans perte de temps lorsque l’on se croise dans des bureaux physiques. Le télétravail a beaucoup de limites en termes de management. Je pense notamment au sentiment d’appartenance, qui est crucial dans une entreprise en forte croissance comme la notre. Entre mars et septembre, nous avons recruté 130 personnes. Il a donc fallu adapter le processus d’onboarding à distance, être inventif. Nous avons par exemple fait livrer à chaque nouvel arrivant un petit « kit » de petit-déjeuner pour le premier jour. Pour garder le lien, tous les vendredis, les co-fondateurs de l’entreprise s’adressent à tous les employés en visioconférence. Mais on sent une certaine lassitude liée à la distance, et l’on mulitplie les occasions de rompre cela. » Didier de Stabenrath, Head of People Operations chez ManoMano