Quentin Périnel : « Au bureau ou à distance, la jeune génération ne supporte pas les petits chefs »

Interview

Quentin Périnel

Quentin Périnel,
journaliste et chroniqueur au Figaro

Comment qualifieriez-vous cette « génération Y », finalement assez bienveillante envers ses aînés ?

« La génération Y est d’une grande aide pour ses aînés ! On l’a très bien vu pour tout ce qui est technologique lors du confinement. Les codes, les outils de télétravail, ils les maîtrisent parfaitement, et servent de relai avec les plus anciens. Avant le confinement on pouvait se tenir à l’écart d’outils numériques et travailler à l’ancienne. Aujourd’hui, cela n’est plus possible. Pendant cette période de transition, la « génération Y » a naturellement prêté main forte. Aujourd’hui, tous les profils générationnels de l’entreprise maîtrisent les outils de travail à distance : tout le monde a été contraint d’apprendre ! En matière d’agilité et de travail à distance, nous avons fait un bond de dix ans. »

Quel est son rapport à la hiérarchie ?

« La jeune génération n’est absolument pas contre la hiérarchie, mais elle déteste les « petits chefs », qui incarnent une autorité de surface, pas toujours explicable… La nouvelle génération de collaborateurs déteste exécuter sans avoir d’explications et ne pas être impliquée dans les processus de décision… La nouvelle génération ne supporte pas d’être laissée en plan, dans un open-space en jachère ! Elle a besoin de mouvement, d’enthousiasme, et de sens… Cela ne veut pas dire qu’elle se dresse contre le management et la figure du chef : au contraire, c’est un bonheur pour elle de pouvoir compter sur un mentor plus senior qui lui fait confiance, la guide, lui laisse de la liberté et l’aide à s’épanouir. Sur place et à distance ! »

Comment ont-ils vécu le retour aux bureaux ?

« Sur Microsoft Teams ou n’importe quel outil collaboratif, tout est réglé comme une pendule. Le travail à distance est finalement très strict… peut-être, dans certains cas, plus strict qu’en présentiel ! On revient à du management à l’ancienne… On a d’ailleurs très bien vu que pendant le confinement, nombreux sont ceux qui faisaient des horaires encore plus à rallonge que d’habitude, avec encore davantage de réunions, pas toujours utiles ! C’est compréhensible : la frontière vie pro et perso s’est réduite comme peau de chagrin. Le manque de bureaux physiques a été durement vécu par la jeune génération, qui habite souvent dans de petits appartements, ou ont des enfants en bas âge... Il y a donc eu un sursaut de bonheur d’autant plus fort au moment de revenir travailler au siège, quand le tocsin du « retour au bureau » a sonné. Malheureusement, les mesures sanitaires drastiques ont cassé cet élan, et nous n’avons pas (encore) pu retrouver le bureau ‘d’avant’. »

Demain, comment les bureaux pourront séduire la jeune génération ?

« Ce qui est certain, déjà, c’est que l’expression « aller au travail » n’aura plus jamais le même sens… L’expérience a prouvé qu’on peut bosser de partout. Aujourd’hui, le bureau, c’est Paris. Et c’est valable pour toutes les grandes villes. Le bureau de demain, à mon sens, c’est un bureau aux allures de ‘showroom’ de taille variable, qui incarne les valeurs et l’activité de l’entreprise, ses combats… Un bel écrin à son image, dans lequel on ne vient pas exclusivement pour travailler : on y vient pour assister à des événements, des conférences, pour réseauter, pour faire des rencontres... C’est très important pour cette jeune génération très regardante sur le sens de son travail et le positionnement de l’entreprise dans la société. D’un point de vue plus pratique, je pense que l’on sous-estime le confort des équipements que l’employeur fourni à ses employés : du matériel de bonne qualité, un siège qui ne fait pas mal au dos, le double écran… autant de détails que l’on ne retrouve pas chez soi, dans la plupart des cas ! »