Caroline Fortier, Directrice générale de Sogeprom : "Dans le travail, le rapport au temps a changé pour tout le monde"

Interview

"Dans le travail, le rapport au temps a changé pour tout le monde"

Directrice générale de Sogeprom (groupe Société Générale), Caroline Fortier a mis en place différents ateliers afin de favoriser le retour au bureau et proposer une offre qui anticipe les usages de demain.

La question du bien-être au travail est fortement mise en avant par les chiffres du Paris Workplace. Quelle importance a-t-elle pour les moins de 35 ans ?

Les moins de 35 ans combinent deux facteurs importants : bien souvent, ils ont des espaces de vie privée relativement plus réduits, et parfois déjà des enfants en bas âge. J’ajouterai un troisième facteur : ils ont un fort besoin de lien social, d’appartenance, qui se traduit par des sorties dans des lieux extérieurs, les cafés, les restaurants. C’est donc naturel qu’ils aient été les plus touchés par les confinements quand d’autres tranches d’âges plus âgées aux besoins « communautaires » moins forts se sont mieux accommodés du travail à la maison.

Comment faire en sorte que le retour au bureau profite à tous ?

L’objectif est de donner envie aux salariés de revenir au bureau. La qualité de vie au travail doit prendre en compte la santé physique des salariés (l’usage de matériaux sains, une bonne qualité d’air, d’hygrométrie), et la santé physiologique : une offre de sport, la nourriture saine... Ajoutons la santé psychologique avec le fait de se sentir bien accueilli et bien entouré. Chez Sogeprom, nous faisons en sorte que chaque service puisse se retrouver à 100 % physiquement une à deux journées par semaine.

Pour vous, que représente le bureau physique ?

C’est le lieu majeur de la performance collective et de l’équité fonctionnelle. Nous y sommes tous égaux. Bien plus que chacun chez soi. C’est le lieu privilégié de la qualité fonctionnelle, spatiale et digitale, en faveur de la cocréation de valeur. Mieux on est dans ses bureaux, dans sa communauté professionnelle, et plus on se sent serein, et donc plus créatif, plus performant ; alors on rayonne comme on fait rayonner l’entreprise. Les questions de santé globale au travail s’inscrivent dans la politique RSE des entreprises : de ce point de vue, la crise du Covid nous a fait gagner quelques années en maturité.

Les habitudes ont néanmoins changé ?

Je n’ai jamais été attachée aux horaires, bien plus au plaisir du travail accompli et de la responsabilité individuelle. Mais aujourd’hui le rapport au temps passé a évolué pour tout le monde. Quelqu’un qui arrive au bureau à 10 h, qui vous dit qu’il n’a pas fait une visio de chez lui avant de partir ? Il m’arrive souvent de partir assez tôt du bureau, et de faire un rendez-vous de chez moi ensuite. Il m’a fallu convaincre certains managers de mon équipe de laisser plus de souplesse horaires à leurs équipes. Cela permet d’éviter le rush dans les transports pour certains, gage de sécurité sanitaire, de gain de temps, de sérénité et parfois même d’atteindre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Dans l’inconscient collectif d’avant Covid, le télétravail c’était le travail devant la télé. Aujourd’hui, tout le monde a bien compris que ce n’était pas le cas !

Dans votre rôle de promoteur, comment traduisez-vous ces nouvelles habitudes post-Covid ?

Pour le moment, nous ne remarquons pas de baisse de surface drastique de la part des investisseurs mais plutôt une relation différente à l’espace : plus de modularité des espaces de bureaux, et plus d’ouverture sur les services et l’environnement immédiat : l’utilisateur et la nature, et donc le vivant, au cœur des projets. Les espaces de bureaux doivent répondre à quatre fonctions majeures : le travail collaboratif avec des salles de réunions modulables en fonction des besoins, des espaces de partage festif, des bureaux où silence, concentration ou confidentialité sont possibles, et enfin des espaces interstitiels favorisant les échanges informels au-delà de l’éternelle machine à café. Par ailleurs, faire entrer la lumière et la nature sont devenus impératifs, mais aussi prévoir des espaces permettant à nos clients d’offrir des services, pour répondre à la porosité grandissante entre vie personnelle et privée.

Caroline Fortier, Directrice générale de Sogeprom