Vinciane Beauchene, Directrice associée Boston Consulting Group : « En France beaucoup plus qu’aux États-Unis, il y a une très forte demande de travail hybride »

Interview

« En France beaucoup plus qu’aux États-Unis, il y a une très forte demande de travail hybride »

Spécialiste des questions de leadership et gestion du changement, Vinciane Beauchene, Directrice associée au BCG, voit les cartes se rebattre en matière d’organisation du travail, de management, et de rapport au bureau.

En 2022, quelle doit être la fonction première du bureau ?

L’un des risques avec le télétravail, c’est de croire que l’on est plus efficace – et c’est le cas s’agissant des tâches individuelles pour 71% des salariés - sans prendre conscience de la perte des interactions informelles, qui sont pourtant sources d’innovation et de créativité. La vocation première du bureau est de permettre aux équipes de retrouver de la sérendipité, d’interagir et de travailler ensemble. D’où l’importance pour les entreprises d’élargir leurs réflexions sur l’agencement des espaces de travail, au-delà du débat open-space versus bureaux fermés. Mais aussi de s’adapter au travail hybride et aux nouveaux besoins des salariés en créant du lien, des moments de convivialité mais aussi des espaces de travail individuels.

Observez-vous des différences dans la manière dont les entreprises repensent leurs bureaux ?

J’observe surtout une différence majeure entre les États-Unis et le continent européen. Si outre-Atlantique la possibilité d’être en télétravail à 100% est devenue un prérequis à l’attractivité de certains talents, ce n’est pas le cas en Europe, et particulièrement en France où il y a encore un fort désir de travail hybride. Il y a quelques années, de grandes entreprises, notamment aux Etats-Unis, mettaient tout en place pour que leurs employés n’aient aucune raison de quitter leur bureau : nurserie, services, loisirs... On observe aujourd’hui un retour en arrière, et c’est plutôt sain. Le bureau, on n’y vient pas pour y vivre, mais pour toucher du doigt la culture de l’entreprise. Alors que la guerre des talents fait rage, ce changement de paradigme pousse les entreprises à réfléchir à leur proposition de valeur de manière plus holistique.

Comment les pratiques managériales doivent-elles se saisir de cette nouvelle vision ?

Si la fonction de manager est moins attractive qu’elle n’a pu l’être, elle est pourtant cruciale à l’heure du travail hybride. Garder le lien entre les employés présents au bureau et ceux à distance, c’est fondamental. A condition de former les managers à ces nouveaux modes de travail. Les managers jouent également un rôle fondamental dans l’engagement et le développement de leurs équipes. C’est pourquoi, il est important de sanctuariser des moments en présentiel. Je pense notamment à la phase d’intégration, moment clé d’acculturation, ou aux premiers jours de mission d’une nouvelle équipe, qui permettent de définir des règles, des méthodologies et d’expérimenter ensemble des moments de convivialité. Deux ans et demi après la pandémie, les directions apparaissent trop peu impliquées dans ces problématiques pourtant cruciales pour attirer et retenir les talents.